Pendant la période estivale de ce printemps-été 2021, Anne a réalisé un projet qu’elle portait depuis longtemps : Le Tour De France en vélo en autonomie. 99 jours en vélo de Voyage du 5 mai au 15 août 2021
Fabuleuse aventure de qu’elle nous raconte ici :
Le Tour de la France en vélo de voyage a commencé à germer dans ma tête en janvier 2019, le départ initial était prévu le 1ier mai 2020, avec les confinements successifs et la crise sanitaire, j’ai dû reporter ce voyage au printemps 2021. Dès que l’annonce gouvernementale de l’autorisation de sortir dans un rayon de 10 km autour de chez soi fut levée, je suis partie le 5 mai accompagnés par mon coéquipier Guy.
Comment expliquer ce qu’est le vélo de voyage ?
C’est un peu comme une série télévisée : tu regardes un épisode par jour, les saisons s’enchaînent : d’abord, le long des canaux pour rejoindre la Manche, ensuite « la Maritime » (Normandie et Bretagne), puis la Vélodyssée (L’Atlantique), le Piémont Pyrénéen, la Méditerranée, les Alpes et enfin le Jura.
Tu n’es pas assis sur ton canapé, mais sur une selle, tu domines le paysage environnant, tu observes, tu savoures ce que tu vois, ce que tu sens. Tu es à la fois, acteur, spectateur, figurant, réalisateur, producteur et finalement ta journée est bien remplie !
Chaque jour, tu as hâte de découvrir un nouvel épisode de ta série préférée, c’est grisant et attractif.
Ta vie se porte sur l’essentiel, tu concentres ton énergie à pédaler bien sûr mais pas seulement, tu dois te ravitailler, te nourrir, te laver, communiquer, écrire ton journal de bord, monter ta tente, chercher un abri, installer ton campement, surveiller la météo…toutes ces actions se répètent chaque jour mais dans un cadre différent, c’est un ravissement d’aventure.
Avec un chargement de 48 kg, et un drapeau Franc-Comtois, forcement tu attires les regards, tu forces les rencontres, les gens te posent toujours les mêmes questions : d’où l’on vient ? Où va-t-on ? Combien pèse le vélo ? Où dormons-nous ? Combien de kilomètres par jour ? Depuis quand sommes-nous partis ? …etc.
Tu as les personnes qui semblent complètement découragées par nos réponses et pour certains autres, tu perçois une lueur d’envie, une flamme imperceptible qui ne demande qu’à s’activer, voyager à vélo c’est aussi faire rêver les autres.
J’avoue que le scénario n’est pas toujours aussi positif notamment avec le paramètre météo, tu subis et tu serres les dents en attendant des jours meilleurs, le début du voyage fut froid et humide, n’entamant pas notre détermination, une semaine de vent à 80km/h de face en Normandie, c’est comme pédaler dans une longue côte sans fin…Un miracle sur les quais du Havre où nous avons eu l’illusion de posséder un vélo électrique quelques minutes : 24km/h sans pédaler le vent dans le dos…
Un fait marquant, la traversée du pont de Normandie un vendredi 17h avec son flot de circulation incessant tous plus fous de vitesse et toujours par grand vent, une folie qui nous marquera tellement que nous avons décidé de ne pas emprunter le pont de Saint Nazaire mais de traverser la Loire en bac, Beaucoup plus pépère et sécurisant !
Je vous ai parlé du froid, mais la chaleur c’est peut-être pire, elle ne nous a pas quittés tout le long de la Méditerranée, nous avons dû changer notre façon de rouler, scindant endeux notre journée : vélo le matin à la « fraîche » et vélo le soir avec baignades dès que possible.
Dans les Alpes, nous sommes restés humbles devant cette Grande Dame, nous n’avions pas droit à l’erreur, il faut oublier les 50km journaliers minimum pour boucler le tour de France, ça tombe bien car nous avions engrangé des jours d’avance, il faut se concentrer sur un col par jour ce qui est déjà pas mal étant donné notre chargement. Le ravissement des yeux est à la hauteur de l’effort, j’ai eu le sentiment de n’être qu’un escargot au milieu de ces grands espaces. La solidarité des cyclistes (même les « stravas » comme nous les appelions), des motards, des vacanciers nous ont accompagnés, encouragés à chaque col, nous avons même eu quelques applaudissements à l’arrivée de certains cols, cela, nous a transportés de joie. Les 17 cols ont été franchis en 17 jours dans une intense expérience sportive.
Des doutes, il y en eut au début pour Guy, ses genoux le faisant souffrir, puis le corps s’habitue, pour moi ce fut après les 5h de montée au col de la Bonnette, une douleur persistante au mollet m’a presque fait changer de direction pour rouler vers des contrés plus plates…que choisir? Continuer ? Renoncer ? Aucune ne me satisfaisait…C’est à ce moment, que la force mentale rentre en scène, lorsque le corps lâche, la tête prend le relais et finalement avec quelques modifications mécaniques sur le vélo et un allègement de la charge (nous avions double tente, double popote, double réchaud pour plus d’indépendance), la douleur s’est peu à peu estompée en une dizaine de jours. Et vous ne pouvez pas imaginer la joie, la satisfaction d’avoir relié les deux plaques de la grande traversée des Alpes entre Menton et Thônon les Bains. Ce fut une victoire sur nous-mêmes, un accomplissement, rien ne peut être plus difficile que les Alpes, le Jura que je trouvais auparavant exigeant, me parut une récompense, un délice.
Des rencontres improbables il y en eut mais la plus significative fut celle-ci : nous avons croisé la route de Pierre et Thérèse près du Mont Saint Michel (Michel portait un Tee-shirt de UTMB), ils étaient venus de Saint Jorioz pour les vacances, tout de suite, au cour de la conversation le courant passe entre nous, ils nous proposent de nous revoir sur le col des Aravis lorsque nous serons dans les Alpes, où ils ont un petit chalet . Je garde précieusement les coordonnées de Pierre dans mon téléphone attendant le moment venu de les contacter, et quelques mois plus tard, c’est avec grand bonheur que nous nous sommes retrouvés tous les 4 pour deux jours, à partager nos récits respectifs avec la même passion du sport en pleine nature.
Le pire souvenir : la traversée des gorges de la FRAU, dans les Pyrénées, plus de bitume (une erreur de tracé de ma part), nous nous sommes retrouvés sur un chemin cathare en pleine montagne, pour vous imaginer le tableau, c’est comme s’il fallait monter au Baerenkopf depuis le hameau de Saint Nicolas, impossible de rouler, impossible de pousser les 48kg seul, il nous a fallu 2h pour parcourir 2km en poussant à deux chaque vélo 100m par 100m, j’ai versé beaucoup de larmes et Guy pour ne pas perdre son pragmatisme, m’a vivement conseillé de garder mon énergie pour pousser et de pleurer plus tard ! Je n’ai rien écouté, j’ai pleuré pendant et après ! Mais j’ai poussé tout de même, nous n’avions pas le choix…
Voilà, le voyage se termine, c’est une joie de retrouver les siens, mais c’est aussi un déchirement de quitter cette vie de bohème que j’apprécie. Certes, tu n’as pas ta douche chaude tous les soirs, ton canapé moelleux, ton lit confortable…mais quel bonheur de vivre au grand air !
Au cours de ce voyage, nous avons fait rêver un bon nombre de personnes, si l’aventure ne vous fait pas peur, si la communion avec la nature est votre raison de vivre, ne remettez pas à plus tard vos envies, osez les vivre, c’est une aventure unique et enrichissante.
Alors partez et bon voyage !
Voici quelques chiffres pour illustrer cette aventure :
103 jours de voyage
4 jours de repos (2 initialement prévus et 2 à cause de météo déplorable dans les Alpes)
5500km
68600m de dénivelés positifs
1 600 000 coups de pédale
4 crevaisons (2 chacun)
1 rayon de cassé
1 changement de plaquettes de frein
1 changement de kit de transmission
Un grand nombre de tablettes de chocolat et de pâtisseries
Des litres d’eau
Des litres de sueurs
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